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Votre bien est-il « Friluftslivique » ? L’impact de ce concept norvégien sur les décisions d’achat

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La Nature a toujours fait rêver. D’après le concept norvégien «Friluftstliv», son pouvoir sur les gens est tel qu’ils se sentent beaucoup mieux et davantage connectés à l’espace. Et cette disposition émotionnelle influence le comportement des clients… y compris en ce qui concerne l’achat de leur logement ! Fabrice Larceneux, Chercheur CNRS – Dauphine Recherche en Management, nous en dit plus sur ce réel effet appliqué à l’immobilier.

photo : Larceneux

Nous sommes entrés dans une ère de poly-crises. C’est ainsi que les économistes qualifient les bouleversements multiformes et globalisés dont nous sommes désormais régulièrement témoins. Crises sociales, sanitaires, écologiques, etc. Notre monde déshumanisé paierait-il le prix d’avoir oublié le contact vrai à la Nature ? Les idéaux de la révolution industrielle et son cortège de progrès techniques se heurtent aujourd’hui à l’image d’une Mère Nature originelle malmenée. C’est un conflit de représentations qui s’opère dans nos sociétés occidentales. Mais loin de l’image d’une terre volcanique qui crache ses cendres mortelles ou du lion qui déchiquète la jeune gazelle, les héritiers de Rousseau considèrent plutôt une Nature dotée de valeurs spirituelles et morales bienfaisantes et généreuses.

Cette vision idéalisée s’incarne dans le concept norvégien de friluftsliv (prononcez « fri – loufts – liv ») qui, depuis plus de 5 000 ans, serait source de bonheur et de satisfaction dans la vie. Littéralement la « vie à l’air libre », le friluftsliv représente une réelle connection avec la Nature, un état mental de sérénité que l’on atteint lorsqu’on se trouve en résonnance avec un espace naturel ouvert et unifiant. Ce concept est si puissant que près de 90 % des Norvégiens déclarent s’y reconnaître. S’il a autant de succès, c’est que le friluftsliv ouvrirait le chemin vers la découverte de son moi intérieur, son véritable chez-soi…

Après les expériences de confinement, l’expérience friluftsliv représente un défi majeur pour le secteur immobilier. Peut-on recréer les bienfaits d’une Nature idéale dans un environnement bâti ? Des chercheurs en marketing ont tenté de répondre à cette question en reconstituant les aménagements des boutiques et des logements. L’idée est de créer un intérieur qui reproduise les effets d’un séjour en plein air, capable de générer une réponse positive, naturellement connectée… bref friluftslivique !

Les deux formes de biophilie

L’attirance pour la nature bienfaisante se nomme biophilie. Deux moyens principaux existent pour intégrer du contenu biophilique dans les espaces construits : soit via l’organisation architecturale en favorisant les accès directs à la nature, les bains de lumière naturelle ou la contemplation de jardins, mais ce n’est pas toujours facile quand le bâti est donné ; soit en changeant simplement la décoration par l’inclusion de formes, de matériaux, de couleurs ou de motifs qui font référence à la nature, comme une lampe en bois, des rideaux verts, des vases remplis de roches ou des plantes grimpantes, etc. Une simple décoration inspirée aiderait-elle à vivre une expérience Friluftsliv à l’intérieur de la maison ?

 

« Les ambiances naturelles génèrent une réponse « frilustlivique »

car elles créent une véritable connection à l’espace

et des émotions favorables pour la prise de décision. »

Des résultats encourageants

Ces dernières années, les études ont montré que des images de plaines d’herbes fleuries, de rivières ondulantes ou d’arbres fruitiers étaient particulièrement appréciées. En mettant régulièrement l’accent sur les bénéfices d’une Nature nourricière et bienfaisante (plutôt que dangereuse et menaçante), nos cultures occidentales renforcent régulièrement ces perceptions positives. Aujourd’hui, les logements sont moins des abris pour se protéger des méfaits de la Nature et davantage des espaces pour se connecter aux bienfaits qu’elle procure.

Plus précisément, la chercheuse Iana Castro et ses collègues ont testé l’effet des objets et textures biophiliques dans les espaces construits. Elles ont constaté que la simple inclusion de quelques artefacts à connotation naturelle améliore fortement les états émotionnels des consommateurs. Ainsi, au-delà de simples affinités pour la nature (« j’aime bien ! »), les ambiances naturelles génèrent une réponse friluftstliv car elles créent une véritable connection à l’espace, une relation avec le logement qui produit un mélange détonant d’émotions vives, de stimulation, d’éveil, de plaisir… et, en même temps, des sensations de sérénité, de calme et d’apaisement réparateur. Le friluftstliv aurait ainsi la puissance de faire cohabiter une impression de quiétude rassurante et une sensation d’excitation qui poussent à l’action ; bref, une mise en condition idéale lorsque les consommateurs doivent prendre des décisions d’achat, lourdes psychologiquement et financièrement. Cette stratégie de home staging se révèle donc particulièrement adaptée aux professionnels de l’immobilier qui cherchent à diminuer le stress du processus de décision et améliorer le bien-être de leurs clients.

Mais Nature et progrès technologique peuvent aussi aller de pair pour faire vivre cette expérience, notamment via quantité d’applications mobiles qui aujourd’hui projettent le futur acheteur dans un monde naturel et virtuel. Finalement, au-delà du DPE, information très technique permettant d’appréhender l’écologie sous l’angle de l’isolation thermique et de l’économie, le friluftstliv offre une orientation plus émotionnelle et symbolique du rapport à la Nature, plus fédératrice car porteuse de sens pour chacun. Faisant écho aux considérations fengshui inspirées de la tradition asiatique, la tradition norvégienne offre une occasion de gérer positivement les émotions des clients. À l’avenir, pour valoriser les biens et mesurer leur potentiel de connection à la Nature, il conviendrait peut-être de mettre en place un DPF : un Diagnostic de Performance Friluftslivique !

À lire aussi : L’immobilier touché par les croyances

Fabrice Larceneux

Chercheur CNRS au centre de recherche DRM (Dauphine Recherche en Management), ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, agrégé d’Economie et Gestion, il est titulaire d’un doctorat en Sciences de Gestion de l’Université Paris Dauphine. Auteur de différentes publications scientifiques et de l’ouvrage Marketing de l’immobilier (Dunod), il assure des cours de marketing de l’immobilier à l’Université Paris-Dauphine.

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