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Etendue des pouvoirs de l’agent immobilier et obligations du mandant

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Anne Claude Poncet, responsable juridique immobilier de Modelo revient sur la possibilité d’obliger le mandant à accepter l’offre aux conditions du mandat.

photo : Anne Claude Poncet

L’agent immobilier est un intermédiaire qui, dans le cadre de son activité Transactions, a pour mission de rechercher un acquéreur, un locataire, voire un bien à vendre ou à louer, pour le compte de son client, le mandant.

Dans la tradition française, l’intervention de l’agent immobilier est limitée à une fonction d’entremetteur : il prête son concours à l’opération, mais ne se voit pas confier la faculté de conclure le contrat de vente ou de location. Une telle possibilité ne peut s’envisager que si le mandataire en a reçu le pouvoir exprès. Ce n’est que dans ce cas que le mandant s’oblige à vendre ou à louer à tout cocontractant que le mandataire aura trouvé, et qui est prêt à s’engager aux conditions prévues au mandat. L’agent immobilier peut alors signer, au nom et pour le compte de son mandant l’avant-contrat de vente ou le bail.

En revanche, lorsque le mandant ne confère pas à l’agent immobilier ce pouvoir de conclure l’opération, la Cour de cassation, par une série de décisions non publiées au bulletin, mais pourtant rédigées sous la forme d’arrêts de principe, considère que le refus du mandant « de réaliser cette opération aux conditions convenues dans le mandat ne peut lui être imputé à faute pour justifier sa condamnation au paiement de dommages-intérêts, hormis s’il est établi que le mandant a conclu l’opération en privant le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre ».

L’agent immobilier, investi d’une mission de courtage, voit son rôle limité au rapprochement des parties : rechercher des acquéreurs ou des locataires présentant des garanties de solvabilité suffisantes, prêts à acheter ou à louer aux prix et conditions du mandat. La décision définitive de contracter appartient à son mandant. L’agent immobilier ne peut dont pas, selon la Cour de cassation, obliger le mandant à s’engager avec la personne qu’il aura trouvée. La rémunération de l’agent immobilier n’est due que si la vente ou la location est définitivement formée, et la conclusion de l’opération dépend de la seule volonté du mandant. Telle est l’analyse traditionnelle, en jurisprudence, du courtage.

Une solution sévère pour l’agent qui, bien qu’ayant exécuté sa mission (avoir trouvé un acquéreur ou un locataire aux conditions du mandat), ne peut pas imposer à son mandant de s’engager (et donc de le rémunérer) ou de l’indemniser. Confronté à un mandant qui refuse de finalement contracter, l’agent immobilier ne pourra obtenir réparation que si le refus de son mandant traduit une déloyauté de sa part, une inexécution, qui prive l’agence de la rémunération à laquelle elle aurait pu légitimement prétendre.

Toute la difficulté, pour l’agent immobilier, vient ainsi de la nécessité de caractériser une inexécution fautive de la part de son mandant, alors même qu’il aura rempli la mission qui lui a été confiée (trouver un cocontractant, ou un bien), et engagé des frais pour ce faire, sachant que la jurisprudence a, par le passé, considéré qu’un mandant pouvait renoncer à l’opération, de façon définitive, sans que cela ne constitue en soi une faute.

Or, lorsqu’elle retient, dans un arrêt du 1er juillet 2020 (n° 19-14.381) que « la clause en vertu de laquelle le mandant s’engageait à signer toute promesse de vente, aux prix, charges et conditions convenues, avec tout acquéreur présenté par le mandataire » ne peut pas recevoir application, la Cour de cassation semble méconnaître le fait que le contrat de courtage peut prévoir que le donneur d’ordre ne sera pas libre d’agréer le client trouvé par l’intermédiaire (Nicolas DISSAUX Courtage, Rep. D. Com. Dalloz n° 73). En effet, ni la vente, ni la location, ne sont, par principe, des contrats intuitu personae.

Une solution sévère, donc, dont il est difficile de comprendre les motivations. Mais une solution réitérée à plusieurs reprises qu’il faut bien prendre en compte. C’est pourquoi le mandat devra désormais utilement rappeler l’obligation d’exécution de bonne foi qui pèse sur le mandant, et dans ce cadre, l’interdiction qui lui est faite de refuser de réaliser l’opération aux conditions convenues, si ce refus a pour conséquence de priver le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre. Et, compte tenu des vives critiques faites à l’endroit de cette évolution jurisprudentielle, l’agent immobilier, dûment informé, pourra choisir de maintenir l’obligation faite au mandant d’accepter l’offre faite aux conditions du mandat.

 

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