L’agent immobilier a l’opportunité de devenir l’interlocuteur privilégié, physique et digital, au sein d’un écosystème de services variés liés à l’immobilier.
La crise économique impacte fortement les transactions immobilières dans tous les pays industrialisés. Mais ce n’est pas la seule crise que les professionnels ont dû affronter…
De la rente informationnelle à l’arrivée des plateformes
Avant les années 2000, les agents immobiliers étaient détenteurs d’une rente informationnelle : ils étaient les seuls à connaître les biens à vendre, à estimer les prix du secteur, etc. Avec l’avènement d’internet, les analystes prévoyaient la disparition des agences immobilières à la faveur du développement des sites de mises en relation directes.
Ils se sont trompés. En lieu et place d’une « désintermédiation » inéluctable, c’est une « sur-intermédiation » qui est advenue, avec l’arrivée d’acteurs interceptant l’information client grâce à des systèmes d’estimation en ligne : des plateformes et des portails captant en amont le mandat des propriétaires vendeurs et les désirs des acheteurs. Les agents se sont adaptés, parfois un peu tard, à ce nouveau contexte en réaffirmant leur valeur ajoutée relationnelle.
La crise sanitaire pour anticiper la crise technologique
La pandémie mondiale du Covid 19 et les confinements ont aussi démontré la résilience de la profession avec une maîtrise rapide de nouveaux outils technologiques (visite en ligne, signature digitalisée, etc.). Cette crise a permis d’anticiper le virage technologique à venir : l’irruption de l’intelligence artificielle qui va impacter les tâches des agents immobiliers.
Le modèle REALES permet par exemple d’anticiper la forme de ces évolutions. Fondé sur les exigences de Réactivité, d’Empathie, d’Alignement des intérêts, de Lisibilité, d’Extension de la relation et de Serviabilité, il identifie les tâches que l’IA va transformer et fournit un cadre pour mieux piloter l’activité. Une analyse d’impact sous le prisme des tâches – et non des emplois – permettrait de préserver les métiers et d’optimiser le temps de travail. L’IA pour plus de liens et plus d’humain.
De la crise économique aux nouveaux modèles d’affaires
Aujourd’hui, face à la contraction des ventes, les professionnels doivent aussi interroger le périmètre de leurs activités. Se spécialiser uniquement sur la transaction présente un risque financier très élevé. D’autres compétences et d’autres services sont attendus par les clients, acheteurs comme vendeurs. Typiquement, adjoindre de nouvelles activités offre des revenus plus faibles mais plus réguliers. Différents registres pourraient être intégrés tels que :
La gestion de biens, la location classique ou saisonnière, et les services associés : stratégie de référencement sur les plateformes, conciergerie et gestion des entrées / sorties, etc. L’agent immobilier serait alors aux premières loges pour capter les contacts des locataires intéressés par un achat dans la zone et les contacts des propriétaires qui seraient séduits par la vente.
La maîtrise de l’écosystème de la rénovation, des régimes d’aides et de l’accès à des artisans locaux. L’agent immobilier deviendrait alors un expert des économies d’énergies, des besoins de travaux et de leur impact sur la valeur future du bien.
La connaissance des nouvelles formes d’habiter : conseil en démembrement, viager ou bail réel solidaire, en habitat partagé, en achat à plusieurs, etc.
L’offre de services sur d’autres types d’actifs immobiliers : neuf et défiscalisation (Malraux, etc.), commerces, bureaux, établissements de santé, voire même du conseil en gestion de patrimoine.
L’agent immobilier a l’opportunité de s’imposer au centre d’une nouvelle plateforme d’échanges, physique et digitale, au sein d’un écosystème local de services liés à l’immobilier. Devenant l’interlocuteur incontournable, il se retrouverait le premier à connaître les désirs de vente et d’achat.
Une crise d’image du secteur
Mais, au niveau macro, l’immobilier souffre encore de l’image d’un secteur qui capte de la valeur plus qu’elle n’en crée : il est vu comme un stock d’épargne improductive néfaste à l’économie réelle. L’immobilier serait le fait de propriétaires rentiers qui détournent l’argent de l’économie productive. Les économistes du FMI ont pourtant montré que le secteur contribue fortement à la stabilité économique en pourvoyant de nombreux emplois directs et indirects (rénovation, projets associés, etc.) non délocalisables, directement productifs pour la société.
Si l’immobilier est le premier poste de dépense des ménages, il constitue aussi la principale source de richesse de la classe moyenne. C’est un abri, facteur de bien-être, de réconfort, de sentiment de sécurité et de fierté. Plus encore, il augmente la confiance dans l’avenir et encourage la consommation via l’effet richesse (cf. tribune Journal de l’agence N°76).
In fine, il est générateur de croissance pour l’ensemble de l’économie. Et quand il va mal, la crise financière et la récession menacent : d’après le FMI, 66 % des crises bancaires systémiques sont précédées d’une chute des prix de l’immobilier. Le secteur de l’immobilier ne manque donc pas d’arguments positifs pour être soutenu par les pouvoirs publics. Il faut peut-être une stratégie marketing pour les faire entendre ?
Sources :
Zhu M.(2014), Housing Market, Financial Stability and the Economy, IMF Research.
Larceneux & Parent (2023), Marketing de l’immobilier, Dunod, 4e édition.
Chercheur CNRS au centre de recherche DRM (Dauphine Recherche en Management), ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, agrégé d’Economie et Gestion, il est titulaire d’un doctorat en Sciences de Gestion de l’Université Paris Dauphine. Auteur de différentes publications scientifiques et de l’ouvrage Marketing de l’immobilier (Dunod), il assure des cours de marketing de l’immobilier à l’Université Paris-Dauphine.