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Syndic bashing : et si on en finissait ?

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Près d’un Français sur trois vit en copropriété et la vie dans ces résidences n’est pas exempte de contrariétés : règles implicites, débats mouvementés… Ce samedi 17 mai, TF1 a diffusé un reportage dédié aux péripéties de deux copropriétés, et présente notamment le travail important des gestionnaires de copropriété. Un point de vue qui rompt avec la fâcheuse tendance au syndic bashing… Car pour Alain Cohen-Boulakia, il est temps que les syndics professionnels soient enfin mieux considérés.

syndic bashing

Il est aisé de déceler que la presse et les réseaux sociaux n’ont eu de cesse, ces derniers mois, de stigmatiser la profession de syndic de copropriété. Les grands groupes sont plus particulièrement visés. Il est fait état de la carence des professionnels, d’une opacité dans la gestion des copropriétés, d’anomalies comptables, voire de malversations. S’agit-il du fruit du hasard ? Le reflet d’une vérité regrettable soudain révélée, d’un dommage collatéral résultant de campagnes de dénigrement initiées par les nouveaux concurrents des syndics professionnels, qui ont pu développer une activité dont certains juristes estiment qu’elle contrevient à la règlementation française ?

Un récent rapport de la DGCCRF fait montre d’une campagne de 457 contrôles révélant de nombreuses infractions. Un examen de ce rapport renseigne cependant qu’au-delà d’anomalies mineures portant sur le contrat de syndic, dont certaines sont contestées, il n’a été dressé « que » 41 PV, soit moins de 10 %. Ce chiffre est très regrettable mais il demeure inférieur à la plupart de ceux relevés par la DGCCRF dans d’autres secteurs d’activité.

Le syndic est un mandataire dont l’action est encadrée par le conseil syndical, qui l’assiste et contrôle sa gestion.

Le législateur a mis en place, peu à peu, des mécanismes qui favorisent des règles de transparence souhaitables et qui permettent en cas de besoin, de forcer une collaboration entre les différents organes des copropriétés, alors que la loi du 10 juillet 1965 a institué un équilibre subtil et fragile entre les droits du syndic, des copropriétaires, et du syndicat des copropriétaires dont les intérêts peuvent être distincts. C’est ainsi que la durée du mandat de syndic ne peut excéder 3 ans et que l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 permet au conseil syndical de lui demander de convoquer, dans le délai de 2 mois, une assemblée générale en vue de se prononcer sur la fin de sa mission, pour « inexécution suffisamment grave » de ses obligations. Un siège éjectable.

Le conseil syndical a un droit d’accès à tous les documents concernant la copropriété, en tant que de besoin sous astreinte de 15 euros par jour de retard, passé le délai d’un mois à compter de la demande qui lui est notifiée.

Le législateur a récemment introduit dans la loi du 10 juillet 1965 (article 25 i ) une nouvelle disposition selon laquelle le président du conseil syndical peut obtenir de l’assemblée générale une délégation en vue d’engager une action judiciaire à l’encontre du syndic.

Sauf à ignorer la législation en vigueur et la « vraie vie » des 600 000 à 850 000 copropriétés françaises, nul ne peut prétendre que des syndics cupides règnent sur les copropriétés françaises, saignées et flouées dans l’indifférence des pouvoirs publics et des tribunaux. Notons que peu de juges des référés ont été saisi de demandes de conseils syndicaux sollicitant une condamnation du syndic à leur remettre des documents, que peu d’actions en responsabilité civile sont engagées devant les tribunaux judiciaires, et que la quasi-totalité des copropriétés de notre pays, alors que la loi permet la désignation de syndics bénévoles, sont gérées par des syndics professionnels.

Les pouvoirs publics, paradoxalement, comptent sur les syndics professionnels pour assurer la mutation et la rénovation du parc immobilier, notamment en matière d’économie d’énergie, DPE collectif, diagnostic technique global, plan pluriannuel de travaux… Ce sont les syndics qui informent et orientent les copropriétés de telle manière que des diagnostics et travaux puissent être exécutés dans les immeubles. Ce sont les professionnels qui annoncent que de nouvelles règlementations vont engendrer, pour les copropriétaires, de nouvelles dépenses… Tout ceci ne vient pas favoriser la popularité de ces professionnels !

Mieux encore, parfois la loi impose aux copropriétés des obligations nouvelles (DPE collectif, PPT…), mais en cas de refus des copropriétaires de rénover leurs immeubles , ne prévoit aucune sanction. Le syndic, pourtant de facto chargé de la mise en oeuvre des nouveaux textes, s’en trouve ainsi désavoué.

Il est temps que le syndic professionnel, dont les honoraires sont trop bas, fasse l’objet d’une plus grande mansuétude des pouvoirs publics, et qu’il soit considéré comme un précieux maillon d’un nécessaire processus de rénovation urbain, et non comme un prestataire dont on n’a de cesse de réduire l’autorité et les marges de manoeuvre.

À lire aussi : Pas sexy le syndic ? Les coulisses de superhéros de l’immobilier

Alain Cohen-Boulakia

Avocat à la Cour d'appel de Montpellier depuis 1980 Alain COHEN-BOULAKIA s'est forgé une solide expérience en Droit de la Distribution (Franchise, Concession, Agents commerciaux, Coopérative de détaillants …) et en Droit Immobilier (Copropriété, Baux commerciaux, Rcp des professionnels de l'immobilier, Application de la loi Hoguet …).
Il est membre du collège des experts de la Fédération Française de la Franchise (FFF) et du Conseil Québécois de la Franchise (CQF).
Alain COHEN-BOULAKIA est également Professeur à l'ICH ; il intervient dans de nombreux colloques et séminaires en droit immobilier ainsi qu'en droit de la franchise.
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