Après deux années marquées par des turbulences profondes, le marché immobilier semble enfin retrouver le chemin de la reprise. Décryptage de ce premier semestre encourageant avec Yann Jéhanno, président du réseau Laforêt.
Quel bilan tirez-vous de ce premier semestre ?
Le bilan est très encourageant. Grâce à une correction des prix d’environ 8 % sur 2023-2024, une baisse des taux d’intérêt d’un point et une plus grande ouverture des vendeurs à la négociation, nous constatons un net rebond des transactions. En 12 mois, notre volume des compromis de vente a progressé de 17 %. Ce premier semestre confirme la dynamique amorcée à l’automne 2024, avec un redressement marqué du marché immobilier, même s’il ne s’agit pas encore d’une reprise homogène.
Quelles grandes tendances se dégagent sur ce marché immobilier ?
L’offre de logements à la vente se reconstitue, avec une hausse de 8 % du stock disponible. Si cela reste insuffisant pour satisfaire pleinement la demande, cette augmentation permet aux acquéreurs de disposer de davantage de choix. Autre signe positif, le marché en Île-de-France, figé depuis plus d’un an, s’est débloqué au dernier trimestre avec une reprise des ventes particulièrement dynamique, en hausse de 19 %.
Cependant, deux catégories d’acquéreurs restent en difficulté. Les primo-accédants enregistrent une légère progression, mais leur part reste faible : une transaction sur trois leur profite, contre plus d’une sur deux en 2017. Ce phénomène s’explique notamment par le fait que les banques exigent désormais un apport compris entre 15 % et 20 % du prix d’achat, contre 10 % il y a quelques années, ce qui écarte un grand nombre d’entre eux. De leur côté, les investisseurs locatifs sont en net recul, passant de 27 % des acquisitions en 2017 à 17 % aujourd’hui. Leur inquiétude liée à l’instabilité de la fiscalité et de la réglementation rend indispensable une clarification, notamment à travers le projet de création d’un statut du bailleur privé, récemment recommandé par un rapport officiel.
Justement, les premières propositions autour de ce statut du bailleur privé sont-elles un bon signal envoyé aux investisseurs ?
Oui, elles vont dans le bon sens. Ce que nous réclamons, c’est avant tout un cadre fiscal stable pour les investisseurs locatifs, qui ne soit pas modifié chaque année au gré des lois de finances.
Les propositions actuelles ouvrent une voie intéressante, mais avec un sérieux bémol : elles continuent de privilégier le neuf, tout en ajoutant des conditions contraignantes pour l’ancien. Il serait temps de remettre le neuf et l’ancien sur un pied d’égalité et de reconnaître que la véritable réponse à la crise locative se trouve dans le parc existant.
Observez-vous un changement d’état d’esprit chez les acquéreurs et les vendeurs ?
Les projets d’achat sont de retour, avec une hausse de 18 % dans nos bases de données sur 12 mois. Les acquéreurs veulent profiter d’une fenêtre favorable, d’autant que les taux d’intérêt pourraient ne pas redescendre après une première hausse en mai. Les secondo-accédants, qui représentent 50 % des transactions, se distinguent par leur exigence : ils veulent des logements prêts à habiter, sans aucuns travaux à prévoir.
Côté vendeurs, 77 % des transactions du premier semestre ont fait l’objet d’une négociation acceptée, ce qui montre une réelle prise de conscience. Les propriétaires comprennent qu’il faut s’adapter à un marché où les acquéreurs sont présents et motivés mais plus attentifs aux prix, ce qui implique de fixer un prix juste dès le départ. Après un important travail de pédagogie des professionnels, ils prennent désormais en compte l’impact d’un taux d’emprunt à 3 % au lieu de 1 % sur le pouvoir d’achat des acheteurs.
La suspension temporaire du dispositif MaPrimeRénov’ freine-t-elle les acheteurs ?
Ce nouveau revirement illustre le désordre qui affecte la politique de rénovation énergétique depuis ses débuts, notamment à travers la loi Climat et Résilience et son calendrier irréaliste. Depuis des années, les acteurs de l’immobilier alertent sur la complexité de MaPrimeRénov’, le manque de professionnels qualifiés pour mener les travaux, et la difficulté pour les Français de s’y retrouver dans un dispositif lourd. Si cette décision faisait preuve de bon sens, le moratoire sur MaPrimeRénov’ s’accompagnerait également d’un assouplissement des contraintes de rénovation énergétique. Nous ne sommes pas opposés à la rénovation énergétique, bien au contraire, mais elle a été imposée sans concertation, ce qui accentue les tensions sur le parc locatif privé.
Quelles sont les priorités de votre réseau pour la fin de l’année ?
Nos priorités pour la fin d’année s’inscrivent dans une dynamique de développement. Nous continuons d’accompagner les vendeurs dans la fixation de prix justes, et les acquéreurs dans la concrétisation de projets en adéquation avec leur budget.
Nous encourageons aussi les bailleurs à anticiper les travaux de rénovation énergétique, qu’il s’agisse d’une première mise en location ou d’une remise en location. En parallèle, nous renforçons la diversification de nos activités afin d’équilibrer notre chiffre d’affaires entre la transaction et nos autres métiers : location, gestion locative et syndic de copropriété. En septembre, nous lancerons Laforêt Collection, une nouvelle enseigne dédiée aux biens de caractère et familiaux, avec un potentiel d’implantation dans une cinquantaine de communes. La première agence ouvrira au Touquet. Ce lancement offre de nouvelles perspectives à nos franchisés actuels et futurs.
Après avoir évolué pendant 10 ans au sein d'un groupe spécialisé dans les médias étudiants, l’orientation professionnelle et la gestion de carrière, en tant que rédactrice en chef adjointe, Stéphanie Marpinard a choisi de travailler à son compte et collabore depuis à différents médias. Ses domaines de prédilection sont entre autres l'immobilier, l'emploi et les ressources humaines.